Côte d'Albâtre, les coins à saucisson
Fécamp
Ancien port morutier, Fécamp est aujourd’hui une station balnéaire dotée d’une plage de galets et d’un front de mer séduisants. La pêche a en revanche quasiment disparu, et les principales offres d’emploi du secteur concernent les domaines du digital et des services à la personne.
Nous subissons l’éternel drame des jolis points de départ : le cadre est parfait pour une pause, mais celle-ci n’est pas méritée puisque la randonnée n’a pas commencé.
Yport
Quelques kilomètres le long du GR21 nous mènent à Yport, petite commune de bord de mer pleine de charme. L’histoire d’Yport est assez classique : la station est créée au 19ème siècle avec l’essor du tourisme balnéaire, la ville est frappée par le choléra en 1884, envahie par les Allemands en 1940, puis on y construisit un casino en 1983.
On n’y trouve ni l’arche rocheuse ni les vendeurs de souvenirs d’Etretat mais, pour le reste, tout y est : le blanc des falaises se heurtant au bleu de l’eau, l’immense étendue de galets, la silhouette étonnante des roches. Et l’atmosphère y est nettement plus tranquille.
Les falaises
Le sentier se poursuit le long du littoral, en offrant une vue continue sur la mer.
Les sources de bonheur semblent alors se conjuguer pour offrir une de ces « rondelles magiques » rares en randonnée : au plaisir du saucisson s’ajoutent ceux d’un panorama grandiose, d’un soleil éclatant, de muscles encore toniques et d’un camarade de bonne humeur. Il faut profiter, car ce cadeau du destin ne pourra être qu’éphémère.
Etretat
Malgré la beauté du site, l’arrivée sur Etretat est un choc assez brutal. Claude Monet, Maupassant puis Instagram en ont fait un lieu à la renommée internationale, donc fréquenté.
Dans les files d’attentes qui mènent au village puis au belvédère, touristes et randonneurs se rencontrent. Ce sont deux démarches qui se croisent, s’observent, s’acceptent, mais ne se comprennent pas : à quoi bon monter 200 mètres en jean, prendre des selfies, puis rentrer au parking ? A quoi bon venir jusqu’à la station à pied, s’encombrer d’un sac de 13kg et s’entêter à poursuivre la marche au-delà de l’arche ?
Antifer
Le pétrole intéresse moins les touristes, qui se font bien plus rares à l’approche d’Antifer. Le cap offre une atmosphère tranquille, propice à un arrêt. On peut bien sûr admirer le phare et contempler derrière soi les falaises d’Etretat, mais le plus intéressant est sans doute de se tourner vers le sud et l’immense terminal destiné aux tankers.
Création colossale achevée il y a presque cinquante ans, le port est destiné à accueillir les plus gros cargos, capables de contenir jusqu’à 550000 tonnes de pétrole. Pour le construire, il a fallu draguer le sable sur plusieurs dizaines de mètres, creuser la falaise, relier les cuves au Havre par un oléoduc. Sur le belvédère, quelques panneaux d’information réconfortent heureusement les randonneurs en mal de nature.
Jusqu’au Havre
On distingue deux catégories de randonneurs : les pragmatiques, qui terminent en bus lorsque le chemin ne présente plus d’intérêt, et les obstinés, qui s’entêtent à finir à pied.
Nous quittons la côte et le GR pour suivre la piste cyclable, qui rejoint plus directement le Havre par les terres. Entre hameaux, fermes et élevages, le cadre est d’abord bucolique. A l’approche de l’aéroport et de la ville, il se dégrade, et la fin devient pénible.
Nous tombons alors dans ce cercle vicieux classique des portions laborieuses : parce qu’elles sont sans intérêt, nous accélérons ; parce que nous accélérons, les ampoules et les courbatures deviennent douloureuses ; parce que nous avons mal, nous accélérons encore, pour tenter d’en finir.
Le Havre
La plage du Havre sera notre ultime pause. Ce n’est peut-être pas le bord de mer le plus paradisiaque, mais sous les rayons du soleil et les effets de la fatigue, le lieu nous a paru très agréable.
Les derniers kilomètres du parcours, face au port, sont une question de point de vue. Pour les marcheurs sauvages, le spectacle des cuves, des grues et des porte-conteneurs est sans intérêt, voire repoussant. Pour les marcheurs plus curieux, il pourrait justifier, par son immensité et sa complexité, une randonnée à lui seul. Nous optons pour un compromis : une dernière rondelle de saucisson contemplative, avant un retour à la gare.
Laisser un commentaire