1. Le cirque de Gavarnie

    Randonnée « Le cirque de Gavarnie »

    Un cirque est une espèce de gros trou, creusé par les glaciers, que les gens contemplent généralement de l’intérieur. Celui de Gavarnie est particulièrement spectaculaire, et aussi particulièrement réputé : notre randonnée débute sur un sentier bondé et bordé de commerces.

    Les aménagements touristiques présentent des avantages et des inconvénients : d’un côté, ils dénaturent le côté sauvage et font perdre aux lieux une part de leur charme et de leur authenticité ; de l’autre, ils permettent de se ravitailler facilement en saucisson.

    Les humains se rendent à Gavarnie depuis des siècles. Ils y sont d’abord venus pour demander de l’aide à la Vierge, puis pour préparer la guerre, puis pour faire des études scientifiques, puis pour écrire et peindre, puis pour prendre des selfies.

    Sur place, on s’émerveille face aux 500 mètres de cascades et de falaises, puis on réalise chez soi, en regardant Google Images, que les nuages ont masqué les 1000 autres mètres d’enceinte restants. Dans ce concours du trou le plus profond, la nature devance encore l’Homme, qui tente de rattraper son retard (mine de Bingham Canyon : 1200 mètres).

  2. La vallée d’Ossoue

    Randonnée « La vallée d’Ossoue »

    Le lendemain, c’est sous des précipitations ininterrompues que nous rejoignons le GR10 pour traverser la vallée d’Ossoue. Sous le froid et les intempéries, la randonnée et même la vie en général perdent peu à peu tout leur sens. La veille, nous méprisions la masse des touristes repartis vers la vallée ; en les imaginant à présent dans leur meublé chauffé, nous réalisons que leur modèle de vie est bien supérieur au nôtre.

    Sur nos corps, la pluie, la sueur et les larmes fusionnent progressivement.

    Nous croisons en chemin deux néo-zélandais et une écossaise qui effectuent la traversée complète des Pyrénées par le GR10. L’Ecossaise est trempée mais elle semble ravie. Par un mécanisme étrange, les pores de sa peau absorbent l’eau en continu ; son teint semble prendre des couleurs sous l’effet des nuages.

    La vallée est bordée par d’imposants sommets, un glacier, et même plusieurs grottes, mais sous les averses cela n’a pas d’importance. Les grottes de Bellevue ont été creusées au 19ème siècle par le comte Henry Russell, écrivain et explorateur. Ce montagnard passionné s’y repliait lors de ses nombreuses expéditions ; il y avait construit une porte, aménagé l’intérieur, il y recevait même des invités, dans un confort plus que sommaire.

    S’il se contentait de conditions minimalistes, le comte Russell conservait cependant quelques réflexes aristocratiques : parce qu’il en avait fait l’ascension, l’homme a demandé à devenir propriétaire du Vignemale, ce qu’il a obtenu. Il était, au fond, une sorte d’ermite de droite.

  3. Le petit Vignemale

    Randonnée « Le petit Vignemale »

    Le lendemain, il se produit un phénomène étrange : autour du refuge de Bayssellance où nous avons passé la nuit, tous les nuages ont disparu, et l’atmosphère n’a soudain plus rien à avoir avec celle de la veille. Dans le bassin parisien, il faut souvent plusieurs jours pour évacuer complètement le mauvais temps ; dans le Pas-de-Calais, cela prend même des mois. En montagne, la météo change avec une rapidité impressionnante. Face aux sommets, nous reprenons confiance ; les touristes de Gavarnie restés en vallée nous paraissent à nouveau fainéants et médiocres.

    A la différence du vrai Vignemale, qu’on ne peut atteindre qu’en franchissant un glacier, l’ascension du petit Vignemale est relativement facile. On le rejoint en près d’une heure depuis le refuge, et il est même possible d’en effectuer la montée en une (grosse) journée à partir du pont d’Espagne. Cela peut être pratique pour des randonneurs aguerris mais pressés, qui doivent être rentrés avant 18h pour récupérer leurs enfants à Cauterets ou leur avion à Lourdes.

  4. La vallée de Gaube

    Randonnée « La vallée de Gaube »

    La vallée glaciaire qui borde le refuge des Oulettes de Gaube constitue un bon compromis entre spectacle et tranquillité. Elle borde le massif du Vignemale et le glacier des Oulettes, dans un décor tranquille de ruisseaux et de marais, sans l’agitation de Gavarnie. De nombreux visiteurs arrivent bien sûr des les parkings situés en contrebas, mais tous n’ont pas la force d’effectuer la montée complète. Quelques-uns finissent par abandonner en faisant semblant de ne pas apprécier le paysage.

    La rivière et ses cascades sont en revanche prisées, et les meilleurs coins pique-nique sont pris d’assaut dès 11h50. Un bon coin pique-nique répond généralement à 4 critères : il est légèrement à l’écart du sentier, mais pas trop ; il comprend plusieurs rochers horizontaux pour s’allonger et étaler la nourriture ; il se trouve en bordure d’un trou d’eau qui permet de tremper les pieds ; il dispose d’un buisson proche laissant la possibilité d’uriner voire de déféquer discrètement.

    Face au lac de Gaube, notre existence nous paraît à nouveau bien terne en comparaison de celles des autres touristes : tandis que la plupart profiteront d’un après-midi ensoleillé au bord de l’eau turquoise, nous passerons le restant de la journée à effectuer les dix kilomètres qui nous séparent de Cauterets. Le lac est fréquenté ; mais on peut quand même tricher pour réussir son cliché Instagram ou son fond d’écran Windows.

  5. Le pont d’Espagne

    Randonnée « Le pont d’Espagne »

    Face aux cascades du pont d’Espagne, il n’est en revanche plus possible de tricher. Les spectateurs sont si nombreux que des silhouettes se glissent inévitablement sur les clichés souvenir. Mieux vaut accepter cet état de fait et choisir les profils les plus photogéniques.

    Notre parcours se finit comme il avait débuté, avec de la foule et du goudron. Au niveau des parkings, on repère facilement ceux qui partent pour de longs périples et ceux qui viennent pour une courte marche. Il faut toutefois se méfier : certains randonnent jusqu’aux glaciers en tongs, tandis que quelques-uns emportent avec eux crampons et piolets, et terminent finalement leur ascension au bar restaurant du pont d’Espagne.

    Nous achevons l’étape par deux heures de descente bucolique, sous les arbres et au bord des cascades qui rejoignent Cauterets et le centre de rhumatologie. A notre arrivée, on songeons à nous offrir une cure, comme le font certains trekkeurs épuisés. Nous renonçons finalement lorsque le gérant nous explique que l’établissement n’est pas équipé de toboggan aquatique.


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