Archives des Pérics, les coins à saucisson

Le Bois long

La randonnée débute par une montée depuis le village de l’Hospitalet, à travers la forêt du même nom. Le temps est orageux, et nous hésitons à nous arrêter. L’avantage des intempéries, c’est qu’elles nous plongent dans une ambiance particulière, dans l’incertitude et l’obscurité des nuages. L’inconvénient, c’est le risque de se faire électrocuter.
Les Bésineilles

Le lendemain, nous reprenons la route en contournant le puig des Bésineilles. L’altitude augmente, les nuages disparaissent et la vue se dégage. Nous commençons à ressentir du plaisir.
Les Bésines

La foudre et les averses nous obligent à raccourcir la première étape. Nous nous contentons de rejoindre le refuge des Bésines. Une fois sur place, nous ne voyons que deux possibilités pour occuper cet après-midi pluvieux : jouer à la Bonne Paye, ou picoler. Nous optons pour la première, puis pour la seconde solution.
Le col d’Anyell

Une fois parvenus au col d’Anyell (2470m), l’atmosphère change : place à la montagne, la vraie. La forêt a disparu, remplacée par la roche et les derniers névés. Lorsqu’on franchit une plaque de neige, on ressent d’abord une brève fierté, puis on relativise.
La portella della Grava

Nous redescendons vers l’étang de Lanoux puis reprenons de l’altitude jusqu’à la Portella de la Grava (2426m). Dans les montées, il y a deux écoles : ceux qui ont un saucisson à la main, qu’ils grignotent au fur et à mesure pour reprendre des forces ; et ceux qui ne sortent le saucisson qu’une fois parvenus en haut, en guise de récompense.
La coma della Grava

La descente le long du ruisseau de la Grava est douce et tranquille. Le paysage change à nouveau, il devient bucolique. Le cours d’eau paisible, les prairies verdoyantes et les sapins clairsemés en font un endroit idéal pour les bovins et les jeunes couples.
Le lac des Bouillouses

Nous rejoignons le lac des Bouillouses, où nous passons notre seconde nuit. Le lac est accessible par la route : randonneurs et non randonneurs se croisent. Ils se ressemblent, mais on reconnaît les non randonneurs à quelques détails, comme le port d’une glacière ou d’un yorkshire en laisse.
La forêt de Barrès

Le lendemain, le parcours contourne le lac à travers de larges portions forestières. Lorsqu’on croise du goudron, c’est le moment de faire le point au sein du groupe : qui se sent heureux ? Qui regrette d’être venu ? Qui a une tendinite ? Qui souhaite profiter des cars de la région Occitanie à 1 euro pour rentrer à la maison ?
Vers Camporells

Un troupeau bloque notre chemin alors que nous approchons des Pérics. Nous hésitons à forcer le passage, à la fois inquiets du danger, et en même temps convaincus d’être supérieurs aux vaches dans la chaine alimentaire. Finalement, nous consentons à faire un détour : nous nous vengerons plus tard, après notre randonnée, au Burger King.
Le petit Péric

L’ascension du petit Péric (2690m), le lendemain matin, restera sans doute le moment le plus intense du périple. Sur un sommet, la plupart des problèmes de la vie, comme l’acné ou les agios bancaires, paraissent soudain futiles. Il faut se méfier en revanche des plus gros problèmes, qui peuvent resurgir avec l’attrait du vide.
Vers le pic de Mortiers

La vaste et vierge étendue qui mène au pic de Mortiers peut provoquer des sensations variables : pour certains, une somnolence envoûtante ; pour d’autres, au contraire, par un profond désespoir. Nous avançons le long des repères en bois et des cadavres de marcheurs qui n’ont pas su trouver les forces mentales pour aller au bout.
Le puig de Terrers

Du pic, nous profitons de la vue sur les massifs ariégeois. Il y a plusieurs façons de profiter du panorama. Quelques gorgées d’eau et une coupure brève permettent de ne pas perdre le rythme. Un verre de vin permet de mieux apprécier l’immensité des blocs. Plusieurs verres ou une bouteille complète permettent de trouver le paysage rigolo.
En Beys

Après une chaude et éprouvante journée, nous parvenons à l’étang d’en Beys, lieu de notre dernière nuitée. Au bord de l’eau, nous procédons à une toilette sommaire des aisselles, puis à un rapide soin plantaire sur la terrasse du refuge. Lorsqu’on arrache sans gêne ses peaux mortes en public, c’est que la randonnée a commencé à produire ses effets.
L’Hospitalet-près-l’Andorre

A notre retour dans la vallée, le lendemain, notre processus de clochardisation est bien amorcé. Malgré notre odeur, le gérant du bar où nous prenons un verre et faisons sécher nos sous-vêtements ne nous juge pas. Il ne nous juge pas non plus lorsque nous finissons en terrasse nos restes de saucisson. Il ne nous juge pas non plus quand lorsque nous reprenons un deuxième verre.