Suchet, les coins à saucisson
La frontière (trajet aller)
Depuis Jougne, la randonnée débute par quelques kilomètres d’une tranquille -presque monotone- portion forestière, et l’on n’affronte vraiment les premières pentes qu’à l’approche de la Suisse, par un sentier qui bifurque vers l’est.
Au milieu des bois, rien ne matérialise vraiment la frontière. On ne la devine qu’à l’apparition de panneaux d’indication suisses hauts de gamme, d’un standing supérieur aux traces de peinture françaises . Seule une pause goûter peut permettre de rendre ce franchissement moins anecdotique.
Les Suisses qui fuient leur pays pour s’installer en France peuvent ainsi le faire sans obstacle, en à peine quelques heures de marche.
L’ascension
Le sentier quitte la forêt et la pente s’adoucit un moment, le temps d’un grand virage avant la montée finale et à l’approche du chalet de Grange Neuve. Ce crochet est un piège : régulièrement, des randonneurs succombent aux spécialités fromagères de l’auberge. Une fois repus et alourdis, l’ascension leur paraît soudain vide de sens. Certains renoncent, conscients que la vie est courte et qu’il vaut mieux la consacrer à savourer une boule de glace.
Le sommet
Le Suchet pointe à 1587 mètres mais plusieurs sommets rapprochés maillent en réalité une ligne de crête dégagée, sur laquelle il fait bon vagabonder et multiplier les arrêts. Le regard commence instinctivement par contempler les Alpes et le Mont Blanc. Il se décale ensuite vers la plaine et les lacs suisses. Lorsqu’on lui laisse suffisamment de temps, il finit par s’intéresser aux sommets français, le Morond, le Mont d’Or en particulier.
Certains choisiront de s’installer à proximité de la grande croix, à laquelle les athées préfèreront la structure en métal, légèrement plus au sud. De nombreux sommets suisses sont ainsi coiffés de ces pyramides étranges, installées au 19ème siècle pour cartographier le territoire. Avec l’arrivée des systèmes GPS, ces installations n’ont plus d’utilité. Elles conservent un charme et une force symbolique, comme ce sera probablement un jour le cas des satellites, devenus obsolètes et que l’on contemplera en partant en vacances dans l’espace.
La frontière (sur le retour)
Comme à l’aller, la séparation entre les deux pays est à peine décelable ; rien n’entrave donc le passage des randonneurs. Quelques-uns, depuis la France, en ont profité pour placer au fond de leur sac une partie de leurs économies, entre leur réchaud et des barres cacaotées. Il rejoindront discrètement les banques de Genève par la plaine, en quelques jours de marche.
Jougne
On ne retrouve pas à Jougne cette ambiance des auberges de vallée, où se mêlent des odeurs de vieux bois, de vin chaud et de sueur plantaire. Le retour à la réalité est sans doute à l’image de la randonnée : rapide, efficace, idéal pour des trekkeurs nostalgiques de la haute montagne mais qui n’avaient plus de RTT à poser pour rejoindre les Alpes.
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